GOURDELLE Pierre Rarissime recueil de 60 dessins originaux du XVIe siècle aquarellés en couleurs sur 50 feuillets, représentant des oiseaux européens et exotiques -[Album of ornithological watercolours].

VENDU

Paris, ca. 1550-1560

In-folio (420 x 280 mm) une feuille avec les armoiries d’un possesseur précédent, 50 feuilles avec dessins aquarellés de 60 oiseaux européens et exotiques. Veau fauve, plats ornés d’un rich décor d’entrelacs dit ‘à-la-fanfare’ doré et peint, dos à nerfs, tranches dorées (reliure de l’époque), conservé dans un étui moderne.

Catégories:
2800000,00 

1 en stock

Le plus ancien recueil de dessins ornithologiques français conservé dans une magnifique et exceptionnelle reliure à décor doré et peint un chef-d’œuvre de la Renaissance

G.D. Hobson, les Reliures à la Fanfare, le problème de l’S fermé, 1970, p. 4, n° 13; Museum national d’histoire naturelle, catalogue général des manuscrits, p.267, mss 1914.

60 dessins originaux d’oiseaux attribués à Pierre Gourdelle et dessinés à pleine page sur 50 feuilles aquarelle, rehauts d’or, sur un papier très fin préparé à l’agathe, toutes les feuilles sont finements réglées de rose

PAPIER: 1. Dessins Les feuilles de papier sur lesquels ces dessins sont peints présentent des filigranes relativement homogènes. On en repère nettement deux: Briquet 13170 et 13154 : les dates d’emploi sont pour leur grande pajorité antérieures à 1555 2. Feuillets de garde de la reliure: ils sont l’oeuvre du célèbre papetier Nicolas Lebé et correspondent à Briquet 8078 qui donne come date et lieu d’emploi Nancy 1566.

RELIURE STRICTEMENT DE LEPOQUE. Veau fauve, décor doré, entrelacs peints en noir, volutes de filets et fers azurés dans les compartiments, dos à nerfs très orné, tranches dorées.

Liste des dessins : 1. Gallus / Coq 2. Cuculus / Coucou 3. Aquila Marina / Aigle de mer 4. Accipiter / Esparvier 5. Subteo / Hobereau 6. Calidirs / Chevalier 7. Perdix / Perdis 8. Gallina Rustica / Gellinette de Boys 9. Torquata / Cane Petiere 10. Gallopavus / Poulle Dinde. Suivi de cette note : « The small Bustard shot on Mr Banks estate in Dorsetshire 1781 – sent to Sr A. Lever – not supposed to have been in England but common in the South of France » 11. Otis / Ostarde 12. Sthio Africus / Autruche 13. Perdix / Perdris 14. Coturnix / Caille 15. Aluco / Hibou 16. Vespertilio / Chauve Souris 17. Asio / Moien Duc 18. Bubo / Hibou 19. Hematopus / Pie de Mer 20. Colurio Minot / Pie Grièsche 21. Molliceps / Jay 22. Picus Maximus / Picmart 23. Turtur / Tourterelle 24. Fasianus / Fesan 25. Psitacus / Perroquet 26. Cicognia / Cigogne 27. Anas Libica / Cane de la Guinée 28. Phalaris / Piète 29. Boscas / Cercelle 30. Boscas / Sarcelle 31. Anas / Canard 32. Anser / Oye 33. Colimbus / Plongeon 34. Colimbus Major / Plonjon 35. Pivoin – Rouge Gorge – Verdier [3 dessins] 36. Regulus / Roitelet – Parus Minor / Petitte Mésange – Apus / Martinet Pescheur [3 dessins] 37. Thrapupis / Tarin – Linaria / Linotte – Carduelis / Chardonneret – Parus Major / Mézanange [4 dessins] 38. Papegay – Bréan [2 dessins] 39. Falco / Faucon 40. Buteo / Sacre 41. Graculus / Gioram 42. Stellaris / Autour 43. Vultur / Vautour 44. Milvus / Milan 45. Aquila / Aigle 46. Cencris / Crecerelle 47. Gallina Africana / Poulle de la Guinée 48. Pelicanus / Pelicus, Pelicam [3 dessins: mère et deux poussins] 49. Phenix / Phenix 50. Pavus / Paon

En ce prestigieux volume, s’associent deux éléments qui sont, chacun pour leur part, exceptionnels : d’une part un recueil de soixante superbes dessins aquarelles d’oiseaux et d’autre part une reliure au décor richement élaboré. La conjonction de ces deux éléments indissociables institue un des objet-phares de la culture scientifique et artistique de la Renaissance française.

Les dessins et la reliure

Les dessins représentent des oiseaux autochtones ainsi que des oiseaux exotiques. Ils peuvent être des espèces domestiques ou sauvages, ou encore voués à la chasse et à la fauconnerie. Un seul oiseau imaginaire et emblématique, incontournable à l’époque : le phénix.

Pour chacun, sont ajoutés généralement des éléments qui évoquent leur environnement. Le rédacteur de la notice du catalogue de l’exposition de Chantilly avait déjà repéré que les dessins de ce recueil ressemblent tant par l’attitude que par les sujets aux estampes d’oiseaux gravés dans le livre de L’Histoire et de la Nature des oiseaux de Pierre Belon (1518-1564) publiée à Paris en 1555. La confrontation serrée des dessins et des gravures lui a permis de déduire l’antériorité des dessins et que ceux-ci ont servi à l’illustration de l’ouvrage de Belon», celui-ci écrit dans son Epitre au lecteur: Mais entre les autres, ne voulants celer le nom de ceux qui nous ont le plu servi, avons usé de l’artifice de maistre Pierre Goudet Parisien ».

Cette origine est confirmée par l’un des plus célèbres connaisseurs de l’histoire du dessin: Pierre-Jean Mariette. Il écrit dans son Abecedario que Pierre Gourdet (ou Gourdelle) a dessiné d’après le naturel presque tous les oiseaux qui se trouvaient dans le livres (Abecedario, p. 324, de Nobele éditeur). Pierre Gourdelle était actif dans la seconde moitié du XVI siècle et avait épousé la fille du peintre Antoine Caron (1521-1599). La date de fabrication du papier correspond tour à fait à l’époque d’activité de Pierre Gourdelle ce qui nous incite à lui attribuer cette série d’aquarelles. La reliure de ce recueil est un remarquable et ample exemple de l’art de la reliure parisienne de l’époque. Le décor relève d’un modèle qui a été dénommé fanfare de type primitif dont les dimensions des feuilles de papier ont permis au relieur une mise en œuvre élégamment aérée. Les rehauts peints soulignent l’harmonie générale de la composition que, malgré leur multiplicité, les fers azurés n’occultent pas.

De manière surprenante, ce volume qui cumule des dessins originaux ainsi qu’un décor de reliure singulier n’est pas unique. La bibliothèque du Museum national d’histoire naturelle en conserve un volume jumeau. Les dessins sont de la même main et présentent quelques variantes dans l’ordre des dessins, dans les coloris, la nomenclature. Les reliures ont des décors quasiment identiques, sont de même facture et sont dues aux mêmes ateliers (relieur et doreur). Par contre, le recueil du Museum ne comporte aucune mention de possesseur originel et seulement un ex-libris et un ex-dono du XVII siècle. La connaissance de ces deux volumes identiques donne à penser qu’ils sont issus d’une commande unique et que l’un des deux fut offert à un proche par le commanditaire, évidemment un mécène puissant et étroitement mêlé aux milieux de l’art.

Ces deux volumes strictement contemporains peuvent probablement prétendre au titre de plus anciens ensembles français de dessins originaux d’oiseaux. Aucun autre ensemble assurément antérieur n’a pu être repéré. Celui du Museum est le plus ancien dans les riches collections de l’institution parisienne; il est d’ailleurs le seul du XVI siècle, précédant largement un non moins rare recueil du XVIIe siècle. (cf Pascale Heurtel, Oiseaux du monde. Dessins naturalistes, XVII-XIX siècle. Arles, 2001)

Parmi les successeurs les plus immédiats, on peut signaler les quelques représentations d’oiseaux qui se trouvaient dans le recueil de Jacques Le Moyne de Morgues (1533-1588) (vente. Sotheby’s, New York, 21 janvier 2004) ou celles qui se trouvent dans les quatre albums conservés à la New York Historical Society et qui sont dues notamment à Pierre Eskrich (1520-1590).

Conclusion

Au-delà de l’identification définitive du possesseur du recueil du cabinet de Pierre Beres, on peut s’interroger sur le lieu où un tel volume si spectaculaire eut vocation à se trouver. La finalité de ces figurations d’oiseaux n’est pas seulement l’agrément, ni simplement documentaire. Elle est scientifique et vise à l’identification et à la dénomination taxinomique. De son côté, la reliure confère la visibilité à l’objet et révèle une intention d’ostentation. Tout conduit donc à reconnaître que ce volume fut établi pour prendre place dans un de ces espaces de spectacle et de savoir qu’étaient les cabinets de curiosités où étaient réunis des artificilia (créations de l’homme) et des naturalia (créatures de Dieu) et que La Croix du Maine appelait des « chambres de merveilles ».

Annexe 1: les armes peintes

Le rédacteur de la notice du catalogue de Chantilly avait identifié les armes peintes au début de volume avec celles d’une famille de Normandie, les Benne de La Bretonnière. Selon M. Philippe Palasi, ces armes sont plutôt celles d’une « importante famille venue d’Allemagne, les Richoufftz, dont le patronyme fut peu à peu francisé en Richoufs ou Richou, qui porterent plusieurs variantes des mêmes armes d’azur à un chevron d’argent accompagné de trois têtes de cerf (Quesvers, et P H. Stein, Inscriptions de l’ancien diocèse de Sem, Paris, 1902, t. 3. p. 233 et sq) ou d’azur à un chevron d’or accompagné de trois têtes de cerf d’or (Vassal de Montviel, Généalogies des principales familles de l’Orléanais, Orléans, 1862, p. 63), comme notre composition. Alliés aux Gueldre et aux Clèves, ils vinrent en France avec Erich de Richoufs qui à la tête d’une compagnie de trois cents lansquenets… participa à la bataille de Marignan. Il fut naturalisé par François ler. Son fils Jean de Richoufs né vers 1525 appartint à la compagnie du comte Louis de Clermont d’Amboise et de François de Clèves, duc de Nevers. Edme de Richoufs, fils de ce dernier servit Henri IV…Se dessine ainsi le portrait d’une grande aristocratie militaire, dont la guerre et la chasse, à courre ou au vol, constituent le cœur de ses activités. » Au moment de la composition de ce recueil, soit avant 1560, Jean de Richouffez, né en 1520 et marié avec une Lorraine, vit dans la proximité militaire du clan des Guise puiqu’il sert le duc de Nevers et que sa famille est traditionnellement alliée aux Clèves et aux Gueldres. Les Guise occupent la charge de Grand Veneur auprès du Roi de France tout au long du XVIe siècle. Et ce recueil présente d’ailleurs un grand nombre d’oiseaux de proie comme un grand nombre d’oiseaux à chasser: perdrix, faisans et autres… Il est alors possible d’imaginer que le commanditaire de ces deux recueils celle de Pierre Berès et celle du Museum, soit un membre de la famille des Guise dont le faste devenu princier, dans leur résidence de Joinville-le-Pont, entendait rivaliser avec les Montmorency, les Condé, voire le Roi. Nul élément tangible ne vient cependant étayer cette provenance.

Annexe 2: la longue note du contreplat

Elle n’est pas une marque de provenance ou d’appartenance comme les collectionneurs ont parfois l’habitude d’en rédiger. Elle se rapproche davantage d’une démarche commerciale vantant les mérites de l’exemplaire. La mention « TB 784 » -, à l’encre, dans l’angle supérieur gauche du contreplat, serait à rapprocher, selon l’avis amical de M. Anthony Hobson, de l’un des plus célèbres auctioneer de la première moitié du XVIII siecle anglais : Thomas Ballard, et 784 serait un numéro de lot. Il organisa une série de vente entre 1706 et 1734, puis une dernière en 1762. C’est peut-être lui qui a écrit ce texte au contreplat: “This came out of the Collection of M. Grolieri a French Nobleman who resided at Venice and was famous for having an exceeding fine Library of Books mostly Bound in a very Elegant Rich Manner and great Number of them Printed in a particular sort of fine Paper which he procured to be made for his own use. Said Library was sold in France about Fifty years ago and produced a Large Sum of Money”

Ce texte, en dehors de son talent commercial et de son attribution fantaisiste de cette reliure à la collection de Jean Grolier, fait référence à la vente de livres ayant appartenu à Jean Grolier en 1676. Ce faisant, elle date la présente note des années 1720-1730. La nomenclature des oiseaux qu’elle propose était ainsi destinée à attirer l’attention des acheteurs. Les prix de « 169-1-2 » inscrit au crayon en hait de la garde supérieure, en livres/shilling/pence, souligne l’importance accordée par les amateurs du temps à ce luxueux volume. Il obéit d’ailleurs à la même graphie que le prix du Poliphile de Guillaume de Taciturne situé au même emplacement : 1 – 11-6 (Pour Pierre Berès, 4e vente, Le Cabinet de Pierre Berès, 20 juin 2006, lot 17).

PROVENANCE: commanditaire initial non identifié ? – un membre de la famille de Richoufftz (armes peintes sur un feuillet de garde) – scripteur de la notice et de la nomenclature au contreplat supérieur (vers 1720-1739: peut-être Thomas Ballard ? Auctionneer à Londres, première moitié du XVIIIe siècle avec un prix noté au crayon en livres/shillings/pences sur la première garde – un collectionneur anglais anonyme de la fin du XVIIIe siècle, qui a inscrit sur une petite note à l’encre désignant le dindon dessiné au-dessus: The small Bustard that on Mr Banks Estate in Dorsetshire 1781 not supposed before to have been in England by common in the South of France » – Thomas Snodgrass (ex-libris gravé du début du XXe siècle) – Bulletin Morgand, mars 1909, n° 427, reproduit – H.P. Kraus, libraire à New York, acquis par Pierre Berès en janvier 1949, hors catalogue, avec son prix codé au contreplat inférieur – Exposition : Livres du Cabinet de Pierre Berès, Château de Chantilly, 2003. « 8 – Vente Pierre Berès, 80 ans de passion, vente IV, Le Cabinet des livres, 20 juin 2006, lot 16).