CALLIGRAPHIE Livre de Maître en Calligraphie.

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Italie, 1500

In-4 (204 x 134 mm) manuscrit sur papier de 108 ff. n.ch. Maroquin brun sur ais de bois, dos à gros nerfs soulignés de filets à froid, plats décorés d’un double encadrement de filets et roulette dorés et à froid, avec fleurons d’angle dorés, fleuron en losange doré au centre accompagné de deux fleurons à entrelacs et à froid, tranches dorées et ciselées, traces de fermoirs (reliure de l’époque).

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Précieux recueil d’un maître calligraphe, réalisé en Italie au début du XVIe siècle dans le style de Francesco Alunno.

Le volume contient quatre abécédaires présentant quatre différents types d’écritures, précédés d’un beau titre fleuri peint en couleurs. Le premier feuillet du manuscrit est richement décoré : au centre, un buste de chevalier en armure, de profil, et un grand blason portant des armoiries – une pomme de pin dorée sur un champ rouge et blanc –, le tout sur fond de fleurs, rinceaux de feuillages et pommes de pin sertis d’un filet doré. Ces armoiries décorées sont entourées d’une riche bordure très proche des encadrements des livres d’heures : fleurs rouges et feuillages verts, masque peint au lavis dans la partie supérieure, têtes d’angelot sur les côtés (différentes) et, de part et d’autre, deux compositions en médaillon montrant un lapin et un canard sur fond de paysage.

Le premier abécédaire (26 lettres), le plus luxueux, présente de grandes majuscules à l’or fin (de 5 à 12 cm de haut selon la lettre) surmontées de sentences calligraphiées à la plume dans une belle humanistique. Ces maximes sont tirés d’écrivains et moralistes de l’Antiquité (Salluste, Sénèque, Macrobe, etc.), de pères de l’Église, ou encore de théologiens comme Boèce. Au verso de chaque feuillet, des citations d’auteurs anciens dans des écritures de style et taille différents, placées dans des cartouches peints aux formes variées.
Le deuxième alphabet se compose de 23 grandes lettres majuscules textura, à l’encre noire, accompagnées d’un mot entier calligraphié dans la même écriture. Sous la lettre A, un blason portant les mêmes armoiries que le titre (pomme de pain dorée sur fond rouge et blanc), flanqué de deux P majuscules.

Le troisième alphabet, une rotunda très élaborée, comprend 15 feuillets portant parfois plusieurs lettres chacun, à l’encre noire, surmontées de deux lignes de texte en différentes écritures. Enfin, le dernier alphabet présente deux lettres Antica par page, avec grands aplats d’encre, accompagnées également de citations calligraphiées.

La dernière partie du volume contient différentes citations en cancellaria, suivies de textes tracés dans une grande écriture fleurie : elle est manifestement inachevée. Le volume a visiblement continué d’être utilisé par les générations suivantes, des mains plus modernes y ayant ajouté de nouvelles citations, d’une calligraphie plus ou moins habile.

L’illustration du manuscrit est très intéressante. Peu abondante, mais fort séduisante, elle brode sur les thèmes classiques de l’éphémère et des dangers de la séduction féminine, combinant les images à des citations scripturaires ou tirées des œuvres des plus grands poètes italiens. Le verso des trois derniers feuillets du premier abécédaire comporte des dessins très élaborés. Le premier, à l’encre et au lavis, représente l’arbre de vie, avec oiseau et feuillage peints. Le deuxième est une composition à l’encre représentant une femme debout tenant un masque dans une main et cachant sa nudité à l’aide d’une feuille de vigne verte ; elle porte sur le buste la citation suivante : « Femina est pulchrum palatium constructum super cloacà ; une main postérieure a ajouté en haut de page un tercet sur l’inconstance de la femme extrait du Canzoniere de Pétrarque et, en bas de page, un extrait d’une satire de Juvénal sur le même sujet. Le dernier dessin, enfin, aquarellé et plus abouti que les précédents, présente l’homme nu à l’entrée d’une grotte, tenant un phylactère qui porte un extrait du livre de Job : « Vita hominis militia super terra » ; au-dessus de la miniature un cartouche porte une citation de Pétrarque extraite du Trionfo della Morte : « O ciechi, el tanto affaticar che giova ? / Tutti tornate a la gran madre antica / e’l vostro nome a pena si ritrova » ; en bas de page, un autre cartouche porte une citation extraite de la Divine Comédie : « Siate Christiani a movervi più gravi / Non siate, come penna ad ogni vento / E non crediate ch’ogni acque vi lavi« .

L’auteur du présent manuscrit demeure mystérieux : le blason répété avec une pomme de pin et les initiales PP laisse peut-être supposer un calligraphe issu d’une famille patricienne dénommée Pigna (« pomme de pin »), patronyme que nous n’avons pas encore réussi à localiser avec précision.

Le filigrane du papier – une ancre dans un cercle, utilisé vers 1500 en Allemagne du sud, en Autriche et en Italie du nord – ainsi que la reliure décorée, typiquement vénitienne, permettent de supposer que le manuscrit a été réalisé à Venise, centre de calligraphie particulièrement actif au XVIe siècle.

Un intéressant spécimen de l’âge d’or de la calligraphie

Parallèlement à l’extraordinaire floraison de l’imprimerie à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, la calligraphie a, elle aussi, connu un essor important caractérisé par une recherche esthétique poussée, en particulier en Italie du nord. La calligraphie s’appliquait d’une part à la confection d’exemplaires de luxe, rivalisant d’innovation et de créativité avec l’imprimerie ; d’autre part, elle s’adressait à une clientèle d’affaires en pleine prospérité, avide de copies de documents officiels provenant des diverses chancelleries, de lettres de change, de diplômes, de contrats d’assurances et autres actes notariés. Les noms de quelques grands calligraphes de cette époque sont passés à la postérité : c’est le cas de Francesco Alunno, et aussi de ceux qui – comme Ludovico Arrighi, Giovambattista Palatino, Giovanni Francesco Cresci – ont fait imprimer un Arte di scrivere plusieurs fois réédité. Mais la plupart de ces artistes-calligraphes sont restés anonymes.

Fort peu de livres de maître calligraphiés tels que celui-ci ont été conservés : ces documents manuscrits, nécessairement éphémères, étaient utilisés à la fois comme catalogue des œuvres du calligraphe et comme modèles pour la formation des élèves scribes, ce qui n’a pas favorisé leur survie.

« Actual manuscripts by Italian writing-masters of sixteenth century are not common » (cf. Nicholas Barker, The Glory of the Art of Writing: The Calligraphic Work of Francesco Alunno, Los Angeles, 2009).

Quelques taches et auréoles ; reliure habilement restaurée.

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