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In-folio (330 x 245mm) de 204 (sur 206, sans le premier et dernier blancs) feuillets foliotés 5-205. Deux colonnes, 46 lignes à la page. Type : 180G. Nombreuses initiales peintes en rouge, hautes de quatre lignes. Collation (conforme au BMC VIII, p. 259, édition de 1482) : *4 a-z ç8 µ10. Veau blanc, tanné à l’alun, décor estampé de motifs floraux et arabesques, miroir à la feuille d’or blanc au centre de chacun des plats, encadrement de roulettes rouge sombre, vermillon et or, contre-plats entièrement recouverts de papier à la feuille d’or blanc laqué, gardes en chèvre velours blanc. Chemise, étui (Louise Bescond).
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BMC, VIII, p. 259 (IB41685, édition de 1482); Claudin, Histoire de l’Imprimerie en France eu XVe et au XVIe siècle, Paris, 1904, tome III; Catalogue des Incunables de la Bibliothèque nationale, II, S-356 — BnF, Réserve des livres rares, A-1241 (BIS) ; Goff, S-662 (édition de 1484); Brunet, V, 481; GW, M-43031; Adrian Wilson et Joyce Lancaster Wilson, A Medieval Mirror : Speculum Humanae Salvationis 1324–1500, Berkeley, 1984; Des Livres rares, depuis l’invention de l’imprimerie, Paris, 1998, nos 6, 10 et 109; C. Connochie-Bourgne, in « Miroir ou image… Le choix d’un titre pour un texte didactique », 2003; Frédéric Barbier, Lyon et les livres, Genève, 2006; Gustave Brunet, La France littéraire au XVe siècle, ou, Catalogue raisonné des ouvrages en tout genre imprimés en langue française jusqu’à l’an 1500. Geneva 1967; Dominique Coq, « Les incunables : textes anciens, textes nouveaux », in: H. J. Martin, R. Chartier et J.-P. Vivet (dir.), Le Livre conquérant du Moyen-âge au milieu du XVIIe siècle, Paris, 1983; Geneviève Hasenohr, « La littérature religieuse », in: D. Poirion (dir.), La Littérature française du XIVe et XVe siècles, Heidelberg, 1988; Einar Mar Jonsson, Le miroir : naissance d’un genre littéraire, Paris, 1995.
Rarissime édition en français du premier livre illustré imprimé en France. Martin Huss imprima à Lyon, en 1478, puis à nouveau en 1479, Le Miroir de la rédemption, “premier livre illustré imprimé en France” (Claudin).
L’ouvrage fut réimprimé en 1482, 1483 et 1484, dans le même atelier, par son frère ou cousin, Mathias Huss. Entre ces cinq éditions, seule la composition de la page (place des gravures par rapport au texte) diffère légèrement.
“Le 26 août 1478, Martin Huss achevait un grand in-folio à deux colonnes : Le Mirouer de la Rédemption de l’umain lignage, traduit du latin en français par Julien Macho, de l’ordre des Augustins, à Lyon. C’est le premier livre illustré qui ait été imprimé en France. Les planches gravées sur bois et les caractères venaient de Bâle. Huss les tenait de l’imprimeur Bernard Richel, qui avait publié en 1476 une édition allemande du même ouvrage (Spiegel Menschlicher Behältnisse). Il lui avait acheté ou loué les bois et les caractères, comme cela se pratiquait alors couramment dans les grands centres typographiques. Le Mirouer de la Redemption synthétisait les croyances religieuses de l’époque et s’adressait aux masses ; il eut un très grand succès de vente. Un an après, presque jour pour jour (le 27 août 1479), il en paraissait une seconde édition accompagnée des mêmes planches gravées sur bois, qui restèrent à Lyon dans l’atelier de Martin, continué par Mathias Huss” (Claudin, pp. 158 et 165).
Der Spiegel Menschlicher Behältnisse et Le Miroir de la rédemption sont les adaptations en langue vernaculaire du Speculum humanae salvationis qui connut une diffusion considérable. Pas moins de seize éditions incunables furent publiées en latin, allemand, français et néerlandais: “The work must have been extremely popular in France, as elsewhere, for he republished it in 1479 and 1482, and his kinsman, Mathias Huss, printed editions in 1483 and 1484” (Adrian Wilson).
La remarquable illustration se compose de 257 figures gravées sur bois, les deux premières rehaussées d’un coloris rouge: “the 257 woodcuts in this book are from the blocks used by Richel at Basel in his edition of the German version entitled Spiegel der menschlichen Behaltnis, 1476… The cuts had already been used by Martin Huss in editions of the Miroir of 1478 and 1479” (BMC, VIII, p. 259).
Le “miroir”, un genre littéraire : Le Miroir de la rédemption domine un genre littéraire codifié depuis le XIIe siècle. Mais l’idée du livre comme miroir du monde, “das Buch als Spiegel”, est évidemment beaucoup plus ancienne. C’est un leitmotiv que l’on retrouve de l’Antiquité jusqu’à la célèbre définition de Stendhal : « un roman, c’est un miroir qu’on promène le long d’un chemin » (Le rouge et le noir)
À partir du XIIe siècle, le titre de “miroir” se diversifie et désigne un certain type de littérature à visée morale ou éducative. Il est toujours suivi d’un complément du nom ou d’un adjectif qui en précise le sens, et, en même temps, commence à le désacraliser. Il s’ouvre à d’autres registres que celui des textes strictement bibliques et devient une œuvre littéraire. Le Miroir de la rédemption couronne évidemment tous ces miroirs puisqu’il aborde l’une des questions centrales de la fin du Moyen Âge, celle du salut de l’âme. On sait comment le XVe siècle est particulièrement sensible au motif de la mort que l’on retrouve dans les multiples danses macabres et dans nombre d’imprimés populaires du temps. Cette sensibilité se retrouve dans d’autres titres imprimés comme les Arts de mourir et les différentes variantes de l’Apocalypse. Mathias Huss donnera d’ailleurs une édition lyonnaise de la Danse macabre en 1499.
Le Miroir de la rédemption constitue non seulement une somme de toutes les observances de la vie religieuse et des lectures qu’un chrétien doit connaître, mais intègre également des parties de l’histoire païenne, principalement La Légende dorée.
Illustration et langue vernaculaire : Le Miroir de la rédemption inaugure l’apparition conjuguée, dans l’imprimerie, de l’usage des langues vernaculaires et de l’illustration. À Lyon, contrairement à ce qui se passa à Paris, le livre en français occupa d’emblée une place importante dans la production des premiers ateliers d’imprimerie. Ces livres, destinés à des lecteurs connaissant mal le latin ou l’ignorant, étaient susceptibles de trouver une clientèle dans une grande ville marchande comme la cité rhodanienne où ils pouvaient, en outre, être diffusés plus largement grâce aux foires.
Comme il s’agissait souvent de textes habituellement illustrés sous forme manuscrite ou xylographique, les imprimeurs lyonnais furent également les premiers en France à introduire les bois gravés dans leurs livres. L’utilisation simultanée de la gravure et de la langue parlée permettait évidemment de s’adresser au plus grand nombre : campagnards, artisans et riches bourgeois, amateurs de textes écrits dans une langue qui leur était enfin accessible.
Toutes les éditions de cet ouvrage sont rarissimes. Seulement une vingtaine d’exemplaires du Miroir de la rédemption (souvent incomplets) sont conservés dans des institutions publiques : – éditions de Martin Huss (1478 et 1479) : à la BnF (deux exemplaires dont un recomposé : Rés. A-1241 et A-1242) ; à Bruxelles (Bibliothèque royale, cote C-106) ; à la Huntington Library de San Marino (cote 105169) – édition de Mathias Huss de 1483 : 6 exemplaires dont 5 conservés par des institutionnels et celui-ci qui est cité (Wien, Österreichische Nationalbibliothek (Ink 6.E.10) ; Lyon, Bibliothèque municipale ; Paris, Bibliothèque nationale de France ; Reims BM (incomplet) ; Amsterdam, Bibliotheca philosophica hermetica (cet exemplaire) ; La Haye MMW). Aucun exemplaire aux U.S.A.
Le Miroir de la rédemption a été de tous temps recherché par les plus grandes bibliothèques institutionnelles et les plus grands amateurs.
Même incomplet ou recomposé, il est très rare en mains privées. Un seul exemplaire du Miroir de la rédemption, de l’édition de 1478, a été proposé sur le marché international des ventes aux enchères depuis plus de trente ans. Il était incomplet de quarante-deux feuillets (adjugé £118.000 avec les frais, en 1995).
Le Miroir de la rédemption forme donc un jalon initial essentiel dans l’histoire du livre : c’est le premier livre illustré imprimé en France, et en français. Ces deux caractéristiques poursuivent l’un des rêves des fondateurs de l’imprimerie, celui d’un livre accessible au plus grand nombre, qui, à terme, fera basculer le livre religieux et sacré vers le livre profane et universel.
Premier feuillet en fac-similé, marges extérieures refaites sur de nombreux feuillets.
Provenance : J. Ritman (cat. Christ, Plato, Hermes Trismegistus, 1990, n° 175).
Du lundi au samedi
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(18h les lundi et samedi)
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